Journal d'une écorchure de la vie...

- "Je suis désolé, c'est une grossesse arrêtée..."
Une enclume me tombe dessus. Un vide intersidéral s’empare de moi, un creux, un gouffre me plombe l'estomac et veut m'aspirer.
Les larmes débordent sans que je ne m'en rende compte.
Les yeux braqué sur l'écran de l'échographe que je ne vois même plus, j'encaisse.
- "Il n'y a plus d'activité cardiaque" m'explique le gynéco d'un voie douce.
J'acquiesce. Je vois bien que sur l'écran rien ne bouge. La petite forme grise où est censé battre quelque chose est immobile, figé sur l'image dans tout le reste.
J'arrive à peine à parler lorsque je demande au médecin ce qui va se passer maintenant. La boule que j'ai dans la gorge m'étouffe presque. 
Il me laisse me ressaisir et m'explique les choix qui s'offrent à moi et que ça fait environ 10 jours que tout s'est arrêté. Il est calme, à l'écoute, sa voie est apaisante. Il m'explique que si l'évolution d'un embryon s'arrête c'est qu'il y a un défaut, quelque chose qui ne va pas. Il en voit des dizaines par jours, c'est très courant les 1ers mois.
- "Je sais que c'est difficile mais ce n'est pas un enfant que vous perdrez..."
- "Je sais... mais on était tellement content..."
Il me dit qu'il faut attendre jusque lundi, que la nature fasse son œuvre et que s'il ne se passe rien, alors il faudra prendre rendez-vous avec mon gynéco habituel pour le médicament ou la programmation d'une aspiration.
En attendant, prise de sang pour recherche d'agglutinines irrégulières et injection d'anti corps D si résultat négatif.
Je le remercie de sa gentillesse et je rejoints ma famille qui m'attend. 
Je fais signe à Zépoux qui comprend.
Je prends sur moi et lui aussi. Pour Lylys.
On a pas le droit de craquer, pas maintenant. Ce soir, on verra.
Ma petite fille sent bien que ça ne va pas. Me demande si je pleure, si j'ai mal à la tête. Je lui dis que ça va passer, que oui j'ai mal à la tête.
Nous partons faire le tour de manège promis au C.C. Atlantis...


Tout à commencer le matin, juste avant de partir pour un rendez-vous à la banque.
Je saigne. Pas beaucoup, c'est très léger mais quand même.
Un trouble, une crainte s'empare de moi...
Nous décidons de me déposer aux urgences de St Naz pendant que Zépoux et Lylys iront à la banque.
Je suis rapidement prise en charge, il n'y a quasiment personne.
Aux urgences gynécologiques, je vois une interne qui me fait une écho. Elle me confirme qu'il y a bien une grossesse utérine mais le fœtus est plus petit qu'il ne devrait l'être à 8 semaines aménorrhées.
- "Je ne vois pas d'activité cardiaque." me dit-elle.
Un froid s'installe en moi. Je reste scotchée, me souvenant que c'était la 1ère chose que l'on avait vu lors de ma 1ère écho précoce pour Aelys.
J'essaie de vois l'écran de l'échographe mais l'interne le garde obstinément tourné vers elle.
- "Il faudra faire un écho de contrôle dans une semaine." conclut-elle.
Mes yeux me brûlent, je lutte contre les larmes qui menace de me submerger. Une certitude s'encre en moi...
Je me concentre sur ce que me dit l'interne : prise de sang maintenant au labo de l’hôpital, injection lundi d'anti-corps si besoin, contrôle écho dans une semaine.
Je fini par lui demander ce que ça veut dire cette "absence d'activité cardiaque".
J'ai l'impression que ce n'est pas ma voix, je suis comme extérieure à la scène.
C'est sombre me dit-elle. Inutile de le cacher mais en même temps on ne sait pas trop à ce stade. Ce peut être le début d'un avortement spontané ou bien la grossesse va se continuer normalement.
Je quitte la gynécologie pour rejoindre le laboratoire. 
Je traverse les couloirs déserts de l'hôpital comme un automate, luttant contre les larmes, une vague de panique et cette certitude qui se fait de plus en plus forte.
Zépoux et Lylou me retrouvent au labo.
J'explique en quelques mots ce qui se passe à Zépoux tout en rassurant Lylou.
Je suis au bord des larmes et de l'implosion.


A la maison, ça ne nous va pas.
C'est oui ou c'est non.
Un cœur ça bat ou pas. Point.
Il n'y a pas de "peut-être".
Nous décidons d'aller à la Polyclinique, cachant notre visite aux urgences de l’hôpital, où l'on aura finalement une vraie réponse.


C'est fini.
J'ai perdu mon bébé.
Quelque chose a cloché. La petite vie qui avait commencé discrètement s'est arrêté tout aussi discrètement alors qu'elle n'était pas encore "quelque chose", pas encore un enfant.
Minuscule, simple petite forme grise à la vague apparence de haricot. Immobile. Déjà plus là.

Un cri de douleur est monté en moi et a mourut avant même de sortir.
Un sentiment de vide absolu, une pierre dans l'estomac, dans la gorge, dans tout mon être.
Une impression de ne plus rien contrôler, de subir la situation sans aucunes prises dessus, m'empêtrer dans un brouillard, un cauchemar...

En sortant des urgences de St Naz, je le savais. Entendre la triste réalitée de la bouche d'un médecin compétent n'a fait que confirmer cette certitude qui m'avait atteinte aux tripes.
La douleur a été exactement la même...

Nous savons.
Pas de suspense.
Pas d'espoir douloureux.
Il n'y a plus rien.
Mais il y a ma fille. Aelys. Mon ange. Elle est bien là et pour elle nous devons être forts, nous n'avons pas le droit de lâcher.

Au final, c'est elle qui nous porte tous les 2, qui nous empêche de sombrer, de nous apitoyer sur notre sort, sur une réalité qui nous échappe.

Il ne reste plus qu'à attendre que Dame Nature fasse ce qu'il faut.
Si elle pouvait se dépêcher et le faire vite et bien, que nous puissions tourner la page, continuer puis recommencer...

Samedi 23/01/2016


°~~°~~°~~°~~°


Une impression de détachement étrange...
Une attente...
Un mal être accompagné d'un moral au ras des chaussettes...

Heureusement Zépoux est là, attentif, même s'il souffre aussi et ne sait que faire pour m'aider. Comme je le lui dit, il est là c'est tout, un câlin en passant juste comme ça fait un bien fou.

Et puis il y a Lylou.
Je joue avec elle, on fait du coloriage ce qui, étrangement, me détend.

Et il y a les messages de Sarah et Sandra.

Et les messages et appels de ma petite maman.
Ma chère petite maman. Comme je t'aime ! Tu n'imagines pas le bien que tu me fais ! Tu as vécu la même chose ce qui renforce encore plus les choses. Toujours là même si loin physiquement. Un milliard de mercis.

Sentiment d'injustice, de résignation, de vide...
Je voudrais que ça passe vite, que je puisse tourner la page...

Dimanche 24/01/2016


°~~°~~°~~°~~°


Une obsession...
Ça devient littéralement une obsession.
Pourquoi ça ne vient pas??!
La nature fait bien les choses ? Ben alors pourquoi traîne t-elle autant avec ses "minis" alertes ? Un peu de sang, un brin de mal de rein et de ventre puis plus rien...
C'est bon, je le sais maintenant alors fait ton boulot ! Fait ton œuvre Dame Nature, tu ne me prendras pas en traître alors vas y ! 
Qu'est ce que tu fous ?? Grouille-toi GAST ! J'en ai marre !

Je veux juste oublier maintenant.
Passer à autre chose.
Recommencer à voir plus loin que l'heure qui arrive.
Repasser des larmes aux sourires, aux rires...

Je ne vis plus que dans l'attente même si quand Lylys est avec moi je me fais violence et fait "comme d'habitude". Je n'ai pas le droit, pour elle.

Il y a cette fêlure en moi que je ne demande qu'à combler rapidement. Je sais qu'elle sera toujours là comme toutes les blessures de la vie. Elle réapparaîtra malgré l'enduit que je mettrais dessus, la lézarde ne s'effacera jamais entièrement mais elle fera partie du décor comme toutes les autres que la vie m'a faite et avec lesquelles je vis parfaitement...

Lundi 25/01/2016


°~~°~~°~~°~~°


Acceptation...
Il m'aura fallu 4 jours pour accepter la situation. Que le "c'est comme ça, on y peut rien, il vaut mieux que ce soit maintenant..." devienne une évidence.
Ce matin, je vais plutôt bien.
Craquer comme je l'ai fait hier matin, 1er jour où j'étais vraiment seule puisque Zépoux au travail et Lylou à l'école, m'a fait beaucoup de bien. J'étais en colère contre tout et personne, contre rien en particulier sinon tout l'univers... Elle s'est déversée sans retenue à travers mes larmes et mes "pourquoi ?" à la seule personne que je prie. Ils sont 3 pourtant maintenant à veiller sur moi, sur nous... Ils ne sont pas tout puissants, je le sais bien mais ils sont censés être là pour nous, les anges-gardiens de ma famille...
Mais c'est comme ça, ils n'y peuvent rien non plus...
Je ne sais pas si ça va duré mais pour le moment ça va.
J'attends la suite plutôt sereinement.
Mon rendez-vous est à 9h20 pour faire le point et savoir ce qui est le mieux...

Je reviens de mon rendez-vous. Le gynéco m'a donné du Cytotec, un traitement sur 2 jours avec prise d'un comprimé matin, midi, soir. Ça devrait déclencher la fausse couche.
Tiens, je crois que c’est la 1ère fois que je le dit ce mot...
Après mon rendez-vous, j'ai fait un crochet par le centre commercial à côté pour passer à la pharmacie mais aussi pour "faire les boutique", me changer les idées. J'ai trouvé une jolie petite robe à NAF-NAF, un cahier de coloriage "pour les grands" au Leclerc Culturel (ma nouvelle thérapie, ça me fait du bien, quand je colorie je ne pense à rien), un petit livre à Lylou et un craquage à Undiz (à moi le sweet "StarWars Addict" ! J'étais la seule à ne rien avoir de SW à la maison alors que c'est moi qui ai filé le virus à tout le monde ! Un comble quand même !!). Et pendant ma balade, un coup de poignard dans les reins... Aïe !
Je rentre à la maison pour 12h30, le prend mon cachet et je me prépare à manger.
Vers 13h, j'ai très mal au ventre. Ça se contracte dur là dedans et ça pique sérieux... De bonnes douleurs de règles comme j'en ai tant connues avant d'avoir Aelys (maintenant je fais des migraines à la place de tord boyaux...).
A 15h c'est le pire. Je suis plié en 2, le souffle court tellement ça tire...
Entre 15h et 18h environ ça y est. Dame Nature a enfin fait son boulot qu'elle tardait tant à faire. Est ce le médoc ou elle s'est enfin réveillée la grande Dame verte ? Peut importe. Les spasmes se calment, les saignements aussi. Ça ressemble plus à des règles abondantes avec douleurs associées.

C'est fini.
Nous allons pouvoir tourner la page.
J'ai un rendez-vous de contrôle mardi prochain, pour vérifier que tout est bien partit.

Nous allons pouvoir reprendre le cours de notre vie...


Mardi 26/01/2016

Sainte Anne sur Brivet






Commentaires

  1. Je suis là ma puce, je suis avec toi, même si je voudrais te serrer très fort contre moi et que je ne le peux pas, trop loin... j'ai tout vécu avec toi... Je sais combien c'est dur puisque je l'ai moi-même vécu, malgré tout ce que l'on nous dit, que ce soit au début ou pas... Et quand je te lis je me dis "mais pourquoi j'étais pas là, je suis pas là quand il faut"... Je t'aime très très fort ma petite fille et je pense à toi encore et encore... vivement dans quinze jours qu'on se voit !

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  2. Courage il faut se tourner vers l'avenir maintenant et puis recommencer jusqu'à ce que sa marche :) Cette petite âme ne t'était pas destinée mais je suis sûr qu'il yen a une autre qui n'attends que d'arriver. Allé je retourne à mon agonie avec le teufeur qui squatte mon utérus et qui me fait douiller grave

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