Ma pire journée d'ASV...

Il y a quelques années, un matin d'août 2010, tôt, je m'apprête à m'occuper de la 1ère chirurgie d'une journée qui s'annonce très chargée.
Nous ne serons que 2 ASV au plateau en ce mercredi. Et encore... que dis-je. Nous serons moi, titulaire forte de mon expérience d'1 an et 3 mois (dont 2 en tant que stagiaire) et une saisonnière qui débute... Bref, on est pas dans le caca ! Ça va être sport. Très sport...
Je suis arrivé à 7h pour réussir à tout gérer (préparation des blocs, réassorts, transfert des animaux du plateau, soins, autoclave à mettre en route, vider le four, plier les champs propres etc, etc...)

Le 1er animal doit être au bloc à 8h pour une chirurgie orthopédique. Un fémur, un tibia, une hanche que sais-je, je ne m'en souviens plus mais c'est une patte arrière.
Le petit patient à 4 pattes est un beau matou noir et blanc de 5 ans, en bonne santé, bonne forme, gentil mais vif et réputé fugueur. Le véto en charge de ce chat m'a d'ailleurs laissé un mot me disant de me méfier tout de même car le chat est stressé, d'éviter les cages en hauteur car il a la fâcheuse tendance de vouloir filer entre les mains.

Je prépare donc une cage sur le plateau technique au niveau du sol et je vais chercher le minou qui est au chenil ambulatoire dans sa cage de transport. Je sors Moustache (appelons le ainsi, je ne me souviens plus de son nom) de sa boite sans aucun problème. Il est effectivement stressé mais je peux le caresser sans qu'il n'ait le moindre signe d'agressivité. Je l'installe dans la cage du plateau et pars chercher sa prémédication.
Ma seringue en main, je rouvre sa cage pour lui faire son injection, en occultant le plus possible la sortie pour qu'il ne puisse pas filer.
C'est alors que Moustache, en apparence calme, s'élance comme un boulet de canon et réussit à me sauter par dessus la tête ! Je n'ai rien vu venir !

Je suis seule... Y'a pas un chat... Enfin si mais il s'est barré...
Je me dépêche de vérifier que toutes les portes sont bien fermés sans quitter des yeux le fugueur. Mais au dernier moment je réalise que la porte du labo menant à la salle d'attente est entrouverte.
Je ne suis pas la seule à l'avoir vu ! Moustache l'a vu aussi ! Je m'élance pour y arriver avant lui.
Loupé... Moustache a été plus rapide que moi... Par chance, il bifurque et s'engouffre dans le placard d'entretien qui est sans issue. Piégé, le chat se retourne et nous nous faisons face.
Je parviens à l'approcher en m'accroupissant devant lui et en lui parlant calmement. Il ne bouge pas. Je tends la main, je peux presque le toucher...
Presque...
Au dernier moment, il se faufile comme une flèche entre moi et le mur ! Comment fait-il ?? Il fait bien ses 6 kg et est rond comme un petit ballon !!
A ce moment là, j'ai un réflexe que je vais payer cher...
De peur qu'il ne s'échappe vers la salle d'attente (heureusement déserte à cette heure) je l'attrape par la peau au niveau des épaules... Très mauvaise idée.... Je le tiens bien mais il réussit à se retourner et me plante ses jolies quenottes dans l'avant bras et en me donnant un bon coup de patte arrière sur le bras (la patte arrière valide est bien valide et griffue...). C'est cette ruade des pattes arrières qui va me faire lâcher prise. Sur le coup je n'ai rien sentie.
Le chat s'enfuit une nouvelle fois en direction des blocs.

Là, je suis sur les nerfs. A cause de cet abruti de Moustache, je suis déjà à la bourre sur le planning à 7h30 !
Je ferme bien toutes les portes derrière moi et je téléphone à l'interne de garde, Noémie, qui se reposait encore dans le studio de garde pour qu'elle vienne m'aider.

Je ne trouve pas le chat. Il n'est ni sous les meubles du plateau, ni dessus, il n'est pas dans le bloc 1, pas dans le sas des blocs d'ortho, pas dans les bloc 2, 3 et 4, je ne le vois pas en salle de ster, ni dans notre petit bureau... Mais où est-il ?? Il n'a pas pu disparaître !!!!!

Je suis sur les nerfs GRAVE !!!

Noémie descend rapidement. Je lui explique la situation et que j'ai perdu Moustache.
Elle me rassure, me disant qu'il ne peut pas être bien loin. C'est pas faux, toutes les portes sont fermées, il a réussit à se planquer dans un coin. Sont fort pour ça les chats...
C'est là que nous remarquons le sang par terre.
"- Oh merde ! Je l'ai blessé !" mon cri du coeur. Sa fracture s'est ouverte ? Je l'ai blessé ? Mais comment ??
"- Non !" me fait Noémie en me montrant mon bras "C'est toi !"
Un ange passe...
Hein ? C'est à moi ce sang ?
Je suis son regard. Un filet de sang coule le long de mon avant bras droit et goutte par terre. On me suis à la trace depuis la porte du labo.
Ah oui... Il m'a bien mordu le Moustache...
J'essuie rapidement mon bras et colle une compresse sur les 2 beaux trous que m'ont laisser les crocs du fauve pour ne pas mettre plus de sang partout. Pas le temps de m'occuper de ça maintenant, on verra quand Moustache sera prémédiquer et dans sa cage.
Nous repartons à la chasse au chat, seringue et lasso à la main.

Je suis persuadé d'avoir vu Moustache filer vers la salle de ster. De toute façon à part là et le plateau, je ne vois pas où il pourrait être. Et il n'est pas sur le plateau, j'en suis sure.
Après bien 5 mins de recherche infructueuse dans les blocs du fond, dans le sas et dans la salle de ster, c'est un peu désespérée que nous échangeons un regard accompagné d'un énorme soupir. C'est là qu'en levant les yeux, Noémie découvre Moustache, bien plaqué, encastrer entre 2 boites... dans le four ! Le four est froid depuis longtemps. Je l'avais ouvert en arrivant mais je n'ai pas eu le temps de le vider.
Comment a t-il réussit à se caser là ? Il est rondouillard pourtant ! Sont fort ces chats... 
Noémie l’attrape au lasso et je lui fait l'injection en intra-musculaire. J'enroule le chat dans une couverte pour pouvoir le porter sans risque et sans l'étrangler avec le lasso. Nous le remettons dans sa cage pour qu'il se sédate.

Je suis super en retard sur le planning.
Quand le chirurgien arrive, le chat dort, est près à aller au bloc et je suis en train de désinfecter la morsure et les griffures de mon bras. Je me fais un pansement de fortune avec des compresses imbibées de javel.
Je lui explique ce qui s'est passé, que du coup je suis déjà à la bourre.

La journée démarre et nous enchaînons comme des dingues.

Ma pauvre collègue est larguée. Je suis obligée de l'abandonnée avec un des chirurgien et des stagiaires qui, heureusement, arrivent à l'aider pendant que je gère les 2 orthopédistes qui brassent le plus de chirurgie en ce mercredi de pur bonheur.
Le véto responsable de Moustache termine ses chirurgies en fin de matinée. Je me débat avec le matériel à nettoyer et à stériliser tout en préparant les blocs et les animaux du chirugiens ortho qui va opéré toute l'après-midi.
C'est un calvaire. Mes nerfs sont en trains de lâchés et j'ai mal. Très mal au bras. Il est rouge vif du poignet jusqu'à la pliure du coude.
Le véto de Moustache vient me voir entre midi et 13h, voir comment je vais et comment va mon bras. A sa demande je défais mon pansement qui me saoule de toute façon. Il prend mon bras dans la main pour mieux regarder avec un geste qui se veut gentil. Je manque de hurler. C'est atrocement douloureux. J'ai les larmes aux yeux. Il me met la main sur l'épaule dans un geste qui se veut réconfortant accompagné d'un phrase qui va m'achever "Il faut tenir hein ?". C'est d'un "Oui" étranglé que je lui réponds. Je fond en larmes après son départ. La pression des derniers jours, la surcharge de travail, la journée de merde, la tension nerveuse et le reflux d'adrénaline de la matinée, tout ça font un cocktail explosif qui me submerge et me fait littéralement craquer.
Mais comme me l'a dit le chirurgien, je tiens bon.

L'après-midi est aussi dure que la matinée, la douleur en plus.
Les chirurgies s’enchaînent, le matériel s'entasse encore et encore... Nous faisons des "tas" stratégiques pour que je puisse m'y retrouver.
Je finis par refuser une dernière chirurgie. Il est tard, j'ai encore plus d'1h de boulot derrière avec le matos sans parler de tous les blocs à nettoyer et qui sont immondes. Je n'en peut plus, je suis au bord de la crise de nerfs, les stagiaires et les internes craquent aussi, ma collègue est resté m'aider en s'arrangeant avec son ami pour qu'il vienne la chercher à Savenay où je pourrais la déposer (elle prends le train pour rentrer chez elle, et des trains y'en a pas des millions le soir).
"- On peut ?" me fait le chirurgien en parlant de la chir qu'il veut lancer sur le chien en arthroscopie déjà au bloc. Ce n'est pas une vrai question, pour lui c'est déjà décidé, on y va point.
"- Matériellement oui, humainement non..."
Ma réponse le fait tiquer. Jamais je ne lui ai répondu, dit non et encore moins contesté une directive. Mais là ce n'est plus possible. Son regard glisse sur mon bras. Ma tête finie de le convaincre.
"- Ok demain."
Je pousse un soupir de soulagement et me dépêche d'annoncer la bonne nouvelle à l'interne, la stagiaire et ma collègue qui m'attendent, tendues, au bloc.
C'est un "ouf" de soulagement qui s'élève ce soir là du bloc 3.
L'interne se dépêche de refermer les 2 "trous" de l'arthroscopie et s'occupe du chien avec la stagiaire pendant que ma collègue s'attaque aux blocs et moi au matériel.
Le chirurgien repassera nous voir avant de partir, voir si on s'en sort et nous remercier indirectement pour la journée qu'on a réussit à gérer on ne sait pas comment.

C'est épuisées que nous quitterons la clinique.
J’appelle ma collègue qui sera là demain matin pour lui donner la 1ère chir du matin, lui dire que le bloc est prêt avec le peu de matériel stérile qu'il me reste, que le reste est au four et que surtout je serais peut être en retard le lendemain parce qu'il faut absolument que j'aille au médecin à cause de ma morsure.
Je raccompagne ma collègue à Savenay et je me rentre enfin à la maison. Il est plus de 22h30.
Je m'occupe de mon bras, me bourre de doliprane, avale un min truc (je n'ai pas mangé à midi) et m’effondre dans mon lit.

Je crois que cette journée est une de mes pires jamais vécu au boulot en 6 ans... Elle m'a laissé un souvenir cuisant et 2 jolies cicatrices sur l'avant bras droit.
Mais je crois que c'est aussi ce jour là où j'ai le plus appris. J'ai dû me débrouiller quasi seule et gérer un planning très chargé, des urgences et des situations difficiles.
Mes nerfs ont complètement lâchés ce jour là. J'ai dû passé 2 jours de boulot restant constamment au bord des larmes.
Sous antibio et avec des soins locaux, l'état de mon bras s'améliore. Pas de complications heureusement.

Quant à Moustache, sa chirurgie s'est bien passé. Il est réparé et n'a plus chercher à fuir peut être vacciné par son escapade...
Je l'ai revu quelques années plus tard. Toujours gentil et mignon mais fugueur ! Je ne me suis pas fait avoir une 2nd fois !


Ste Anne Sur Brivet
Le 11/07/2015

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

De génération en génération...

Halloween...

Une nouvelle vie pour une maison de poupée...