La vieillesse, cette drôle de maladie...

Nous avons passé quelques jours chez mes parents avec Lylys en début de semaine et biensur, nous sommes allé voir Mamie A à la maison de retraite.
J'ai des nouvelles tous les jours avec môman par mail et nous venons régulièrement voir mamie. Nous la voyons baisser mais pas vraiment par étape, c'est plus brutal pour nous qui ne la voyons pas au quotidien.
A Noël dernier, elle ne m'avait pas reconnu tout de suite, il y a avait comme un flottement... Un ange est passé puis elle m'a remise et a reconnu Aelys aussi.
Je m'étais dit alors que la prochaine fois ce sera le début de la fin, qu'elle ne me reconnaîtra pas.
Je m'étais plus ou moins préparé. Peut être un peu moins que plus finalement mais toujours est -il qu'effectivement, lundi, quand nous sommes arrivés dans la salle à manger pour venir la chercher avec môman pour descendre à la salle, j'étais une étrangère pour elle...
Môman a du la réveiller. Elle lui a dit bonjour et en la tournant vers nous elle lui a dit "Regarde qui est là !". Mamie a vu Aelys et répondu "Oh la jolie petite fille !". Môman lui a répondu "Oui, c'est Aelys !". Elle n'a pas réagit... Je me suis avancé pour lui dire bonjour, elle a levé les yeux vers moi, a répondu à ma bise avec un "Bonjour." lointain, un bonjour réservé aux gens que l'on ne connait pas... Je lui ai présicé qui était la petite fille "Oui mamie, on est venue te voir, c'est Aelys ton arrière-petite-fille". Mamie a alors répondu un "Ah oui." mais le "ah oui" que l'on répond quand on ne veut pas être pris en défaut parce qu'on a oublié...
J'ai eu un pincement au coeur.
Je le savais mais ça fait mal.
Aelys oublié, ce n'est pas vraiment étonnant, elle ne l'a pas beaucoup vu et elle est petite.
Mais moi, sa petite fille, la n°2 dans la liste des petits enfants, qui a grandit en partie chez elle parce qu'elle vivait à 1 km de chez mes parents et qu'on était toujours fourré chez elle...
C'est dur...

Nous sommes descendu à la grande salle pour que Lylys ait plus de place pour jouer et bouger.


 Mamie est là physiquement, suis Aelys parce que c'est une petite fille, qu'elle a toujours été attiré par les enfants, qu'elle a toujours eu "le truc" avec les petits (le "truc" que môman a aussi) et que les enfants "boostent" toujours les personnes âgées. Mais elle n'est pas là. Il n'y a personne, son regard est vide sans expressions sinon quelques vagues lueurs de vie face aux clowneries de son arrière-petite-fille qu'elle ne reconnaît même pas comme telle...


La vieillesse est une drôle de "maladie"... Elle peut retirer toute force physique, santé mais aussi santé mentale, souvenirs, joie de vivre, tout ça à la fois... Parce que mamie, qui a quand même une santé de fer mine de rien, était pleine de vie, d'entrain, de souvenirs, d'histoires (plus ou moins inédites), elle faisait pleins de mots croisés pour "garder toute ma tête et entrainé mon cerveau !" comme elle disait si souvent... Et voilà ce qu'elle est devenue à 90 ans...
Elle si vivante et active... Mamie, amie, confidente, joueuse, blagueuse. Combien elle nous a fait rire et voir rouge quand elle nous racontait ses més/aventures "Tu sais pas ce que j'ai fait/ce qui m'est arrivé !" et elle nous racontait alors comment elle avait aidé/rencontré un-tel, fait telle chose, cassé ou trouvé quelque chose et plus tard comment elle nous avait fait une cascade improbable alors qu'elle avait interdiction de crapahuter n'importe où de peur qu'elle ne se fasse mal...

En ce mercredi là, il n'y a plus rien de ma mamie... C'est une coquille vide que j'ai face à moi...

En partant, Aelys refuse de lui dire au revoir. Avec môman nous ne pouvons nous empêcher de penser à mon arrière-grand-mère-paternelle que j'avais refusé d'aller voir un jour alors que j'y allais toujours de bon cœur. J'avais 2 ans. Le lendemain elle était morte...
Je n'ai rien dit, môman non plus. Nous frémissons intérieurement, nous nous le dirons plus tard.
Aelys a fait "Au revoir" de loin.

Mardi, nous faisons une sortie à Brest à Océanopolis Aelys, môman, Killian, Marraine Sarah et moi.

Mercredi, je vais voir Mamie S avec Lylys en fin de matinée. Je trouve ma grand-mère dans la cave qui se demande si elle ne va pas aller chercher du pain parce qu'elle n'en a plus et qu'il est bientôt midi.
Je l'arrête et la fait remonter en lui disant que je vais y aller moi puisque je suis là chercher son pain !
Elle souffre beaucoup de sa hanche et ça rayonne dans son dos. Elle a mal et ça se voit. Je la gronde gentiment en lui disant de prendre sa canne quand même au lieu de claudiquer péniblement à travers toute la maison !
Elle m'a accueillit avec un "Oooh Maëla ! Et la petite ! Aelys, ça va ma chérie ?"
Je n'ai pas toujours eu de bonnes relations avec ma grand mère paternelle, ça a souvent été compliqué surtout vers l'adolescence et jusque vers mes 25 ans. Mais là mon cœur se gonfle d'amour. C'est simple, elle sait qui je suis, me reconnaît moi et sait qui est ma fille.
Je réalise alors que je n'ai pas si bien vécu que ça mon lundi avec mamie A. Préparée oui mais pas tant que ça en fait...
Nous restons discuter un moment avant que j'aille chercher le pain. Lylys est mignonne et fait sa chipinette. La discussion boucle comme bien souvent mais j'arrive encore à obtenir de l'inédit sur son histoire. Je souris, lui parle alors de mamie A et lui raconte mon heure passé là bas le lundi. Elle me répond que ce n'est pas beau de vieillir, qu'on peut partir vite mais que tant qu'on a sa tête ou du moins encore un peu c'est déjà ça, qu'elle voit Mamie A toutes les semaines alors c'est sur le changement est moins flagrant et choquant que pour moi ou mon frère. Killian aussi suis l'évolution quotidienne...
Physiquement, Mamie S, c'est de plus en plus dur mais, bien qu'elle oublie des choses, la tête est encore bien là et elle arrive encore à ma raconter des histoires que je ne connaissais pas (et du lourd t'ention !). Je le lui dit, ça la fait sourire. Elle trouve ça marrant que j'aime autant ces vieilles histoires. Si elle savait que je note tout pour tout transmettre à mes frères et à ma fille ainsi qu'aux générations futures !
Nous partons un peu avant midi pour notre "mission Pain" puis rentrons manger avec mes parents et mon petit-ado-de-frère.

Nous retournons avec môman à la maison de retraite pour le gouter après la sieste de la demoizelle.

Mamie est dans la salle à manger mais réveillé cette fois. Je ne sais pas vraiment si elle m'a bien reconnu mais son regard est plus vivant et son attitude bien plus accueillante. Elle est même bavarde ! Mais on ne comprend pas ce qu'elle veut nous dire. Alors on lui montre ce que fait Lylys avec ses livres et ses cahiers et nous prenons le goûter un poids en moins sur le cœur.
Lylys fait le pitre et se met devant le ventilateur qui fait voler les volants de sa robe. Ca la fait rire et mamie aussi.
Mamie est bien plus attentive, plus vivante et ça fait plaisir.

Je repars le cœur plus léger. Lylys a conquit une nouvelle fois toutes les petites mamies de l'étage de mamie et elle a accepter de faire un bisous à sa grand-mamie. Un peu forcée au départ, je l'ai prise dans mes bras pour l'obliger à se mettre à hauteur de mamie, elle lui a fait un gros bisous avec un beau "Aouar !" ("Au revoir"). Je pense qu'intérieurement môman et moi avec poussé un "Ouf !" de soulagement. Et oui chaque enfant réagit différemment et ne répétera pas forcement ce qu'un autre a fait !

Je suis bien consciente que ce qui reste de la mémoire de mamie A va continuer de s'étiollés pour finir par disparaître, nous avec mais j'espère avoir encore des moments comme mercredi où elle est encore un tout petit peu là quelque part...


25/07/2014
Sainte Anne sur Brivet

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