Une histoire de famille, ma famille, l'histoire d'un ange...


Chaque famille a son histoire, son vécu, ses jours heureux et ses périodes sombres.
Je suis persuadé que ce vécu forge notre personnalité et nous aide à nous construire ou bien nous poursuit, mais dans tous les cas influence inexorablement notre avenir.

Ces histoires de famille marquent chaque personne de façon différente et impactera le reste de sa vie.

Ces histoires de famille traversent les générations même si les plus jeunes ne feront que "connaître cette histoire" dans un devoir de mémoire.
Chez certains, des histoires de famille deviendront des secrets, tabou, qui mourront avec le temps laissant planer un fond de mystère derrière elles.
D'autres histoires disparaitront avec leur détenteur laissant aussi un voile de mystère derrière elles que personne ne saura lever comme cette histoire de train loupé pendant la 2nd guerre mondiale par mon grand-père paternel qui avait l'âge d'aller au STO. Il n'était pas résistant, avait l'âge de partir en Allemagne mais il s'est "trompé de train" m'a t-il toujours dit avec un petit sourire. Je n'ai jamais su ce qu'il en était réellement, on ne loupait pas le train pour le STO... Il a emporté son secret avec lui...

Dans ma famille, nous avons nous aussi nos histoires et comme souvent ce sont des moments difficiles qu'il serait peut être plus facile d'oublier mais ce serait alors comme une trahison, ce serait renier une partie de ce que nous sommes.

J'ai 30 ans, j'ai déjà vécu des choses difficiles comme beaucoup d'autres. La maladie de mon frère, heureusement bénine mais qui nous ont plongé dans 5 années d'enfer, puis des années plus tard ma catastrophique année à St Naz qui a encore des répercussions aujourd'hui...
Mais je pense être sortie plus forte de ces épreuves et il est clair qu'elles ont façonné ma vie d'aujourd'hui.
Je sais que la vie et l'avenir me réserve encore certainement des coups tordus mais tant qu'ils ne sont pas à la hauteur de ce qui me fait écrire ces lignes aujourd'hui, ça ira très bien.

C'est un livre qui m'a donné envie d'écrire.
"Mon enfant, mon amour" de Renée Mousseau, édité en 1979.

Môman m'a prété ce livre qui appartient à ma grand-mère maternelle, mamie Annick, et que nous avons toutes deux lu d'un traite.

Ce livre est le témoigage émouvant et déchirant d'une mère qui a vu mourir son petit garçon emporté par une leucemie aigue en 1 an.
Remettons les choses dans leur contexte. Nous sommes dans les années 60, à cette époque la guérison est très rare. Les greffes de moelles osseuses sont encore au stade expérimentale.

Ce livre m'a profondément touché et bouleversé car il raconte aussi le drame qu'ont vécu mes grands-parents maternels (et donc ma mère bien que très jeune à l'époque) lorsqu'ils ont perdu leur fils ainé d'une leucémie en quelques mois en 1962.
Comment ne pas faire le transfer entre cette maman et ma mamie lorsqu'elle raconte la maladie, le calvaire de son enfant et surtout sa fin ?
Au fil des pages c'est mamie que je voyais...
C'est en larmes que j'ai terminé le livre pendant la sieste de ma fille et c'est le coeur débordant d'amour que je suis ensuite allé la chercher après sa sieste pour simplement la serrer dans mes bras. Réaction primaire d'une maman n'osant imaginé que l'on puisse lui arraché son enfant.

Nous connaissons tous l'histoire de "Petit Claude", l'ange gardien de notre famille, cet oncle partit trop vite quand il était enfant, mais uniquement dans les grandes lignes.
Claude - 7 ans
Sans être tabou nous ne parlions pas de la maladie de Claude. Mamie nous parlait beaucoup de lui, de l'enfant qu'il était, elle débordait d'amour en nous racontant l'enfance de ses 3 enfants mais quelques choses se félaient en elle alors à l'évocation des 9 ans de son fils ainé. Elle pouvait être si bouleversé dasn ces moments là que nous changions de sujet, voulant préserver notre mamie adorée.
Même môman ne connait pas les détails de la maladie de son frère. A seulement 5 ans à l'époque ce sont des brides de souvenirs, des moments marquants. Elle se souvient d'un grand frère aimant et protecteur toujours gentil avec elle. Puis d'un Claude différent lorsqu'il était malade et de la veillée funèbre où elle tenait un cierge avec son autre frère.
Elle et son frère ont grandit avec le souvenir et l'image de ce frère tant adoré devenu ange et veillant sur eux. Présence parfois lourde à porter qui a certainement contribuer à forger leurs caractères respectifs foncièrement différents.

En rangeant des choses chez mamie, môman a retrouvé beaucoup de chose lié à son enfance et à ce passé douloureux. Elle a retrouvé ce livre auquel mamie tenait tant et on comprend pourquoi, ainsi que les correspondances de ses parents avec la famille et amis (brouillons de lettres envoyés, réponses reçues, lettres de condoléances etc...) liés à ce drame. Des lettres écritent par mes grands-parents et notamment une lettre de papy où il raconte d'un façon touchante et pleine de lucidité les dernières heures de son fils. Môman a obtenu des réponses à certains de ses souvenirs et découvert la souffrance et le vécu de ses parents d'une autre façon.
Elle m'a envoyé une copie de cette lettre.
Dieu que mon grand-père écrivait bien ! Ca, je le savais déjà mais ainsi, dans de telles circonstances, avec un ton plein de sérénité parce qu'il savait que, maintenant, Claude ne souffrait plus, qu'il avait rejoint les cieux et le Seigneur qui l'avait choisi, rapellé à lui plus tôt pour faire de cette enfant un ange...
Aucune colère, aucune amertume. De la douleur certes mais une paix et une foi inébranlable...
Mes grands-parents étaient très croyants et pratiquants, celà les a très certainement beaucoup aidé dans leur deuil mais tout de même, j'en reste bouleversé et quelle leçon de courage qu'ils nous donne là au travers de ces quelques lignes écritent il y a si longtemps !

Môman a également retrouvé le journal que mamie écrivait quand ils étaient petits "Mes jours heureux" où elles parlent de ses amours, ses enfants et son mari.
Quand môman m'a fait parvenir par mail une copie, je me suis précipité sur l'ordi et l'imprimante.
Là encore la foi est présente partout. Dieu, les saints. Elle les remercie constamment pour tout ce qu'elle a dans la vie, pour son époux tant aimé et pour ses beaux enfants.


Le journal se termine à la mort de Claude. Et là encore, une grande leçon de courage, d'humilité et de sérénité. On lui a arraché une partie d'elle-même, son coeur de maman saigne dit-elle mais jamais elle ne se révolte contre cette fatalité, contre Dieu qui lui a enlevé, qui l'a privé de son enfant si tôt. Au contraire, elle remercie le Seigneur de lui avoir accordé ces années, bien que trop courtes, avec son fils...

Une bonne claque, j'en reste sans voix.
Maintenant que je suis maman, je n'ose imaginé comment je réagirais si on m'arrachait ma fille. Mais certainement pas de cette façon là, avec cette sérénité, ça non.
Je serais certainement la femme la plus égoiste du monde, j'en voudrais à la terre entière et chercherais désespérément un moyen de continuer à vivre sans elle...

Môman se replonge dans son passé en rangeant les affaires de mamie. Elle revit beaucoup de choses et a besoin de les partager. Je suis présente parce que ma môman à moi à besoin de moi surtout dans des moments comme ça, que j'ai besoin d'elle plus qu'elle ne se l'imagine et que comme elle, j'aime à connaître l'histoire de ma famille.
Comme môman, je trouve important le devoir de mémoire.
Nous avons grandit avec l'image de cet oncle et avec sa présence fugace pour nous mais bien là.
J'ai envie de le connaître et de connaître son histoire, une partie de l'histoire de ma mamie.

Aujourd'hui, mamie oubli beaucoup de choses...
Elle ne vit plus dans le présent ou bien pendant quelques heures lorsqu'elle est entourée de la nouvelle génération de petits avec Aelys ou le petit cousin Joris.
Nous, ses petits-enfants nous commençons à nous effacer de sa mémoire. C'est dur mais je le vois bien. Elle parviens à nous resituer mais ce n'est pas immédiat.
Ses propres enfants, elle les reconnaît mais fait des mélanges prenant môman pour sa propre mère parce qu'elle s'occupe d'elle. Moments difficiles pour môman...
Elle vit dans le passé lointain, se souvenant bien de sa mère et de sa tante Joseph qui l'a élevée... Elle ne parle plus de Claude ni de papy, son Henri, l'amour de sa vie...
C'est douloureux surtout pour môman mais quelque part il vaut peut être mieux que ce soit ainsi. Au moins elle ne revit pas son passé douloureux et a occulté les pires moments de son existence... Elle vieillit en se préservant inconsciemment des plus grandes déchirures de sa vie...


3/07/2014
Ste Anne Sur Brivet

Commentaires

  1. Pas la peine de te dire que j'ai les larmes aux yeux, tu sais écrire toi aussi, comme ton papy... Petite erreur à rectifier, Claude est décédé en 1962, le 25 Octobre, après être tombé malade en début Août, 3 mois de maladie seulement... Mes souvenirs sont vagues bien sûr, quelques bribes, importantes quand même pour moi : l'apercevoir de sa fenêtre d'hôpital (la pédiatrie n'était pas ouverte aux enfants), nous attendions en bas dans la cour avec notre grand-mère, et nous lui avions fait de grands signes ! il avait dit alors qu'on lui manquait, surtout sa petite soeur... les repas dans sa chambre quand il était couché, tous autour de lui, lui mangeant du persil à pleine main pour "retrouver des forces" disait-il, nos jeux autour de lui, et puis la veillée d'extrême onction avec la bougie... Là je scanne toutes les photos d'enfance, et je le revois... je connais bien sûr toutes ces photos, mais le fait de m'occuper de trier toute la vie de mes parents me rapproche de tout ça... J'ai pas tout gardé, j'ai beaucoup lu, j'ai trié, mais je conserve des documents et des objets que maman gardait qu'il m'est impossible de détruire (le livre de messe d'enfance de Claude, son dernier cahier de catéchisme, son porte-plume, sa gomme, sa mèche de cheveux. ..), je sais l'importance qu'ils avaient aux yeux de maman, je ne peux donc pas ne pas continuer à les garder... Il est dur de voir disparaitre de la mémoire de maman tous ces moments, et je me dois à mon tour le "devoir de mémoire".

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